Le vêtement comme vecteur de mémoire...

C'est à la librairie du MAD, après la visite de la fabuleuse exposition "Japon- Japonismes, objets inspirés" (c'est jusqu'au 03 mars) que je suis tombée sur le livre de Nadia Prete "Portrait de ma garde-robe". Intriguée par la démarche photographique de l'autrice, je l'ai acheté et adoré ^-^
A travers ce post, je ne vais pas me contenter de vous parler uniquement de ce livre; car immédiatement en le parcourant, j'ai trouvé de multiples points communs avec la démarche artistique de Knarf avec son titanesque "Hatarakimono project".

Pourquoi?
Avant de vous écrire "parceque"...je vous présente Nadia Petre et Knarf, ainsi que leur démarche artistique par le biais de ces deux livres.

Nadia Petre partage son univers entre le textile et la photographie. C'est une plasticienne, amoureuse du textile. Elle pratique le tissage, la tapisserie. Elle a été professeur d'arts plastiques, journaliste depuis 1980 à la revue Textile/Art et commissaire de diverses expositions sur le textile. C'est aussi une femme éprise de liberté, engagée pour la cause féministe et politique.

Knarf est un artiste "photograph-maker". Ce qui est singulier et captivant dans son travail, c'est son processus de "Tape-O-Graphie". Il développe manuellement ses tirages photographiques avec du schotch adhésif, découpe, bricole, invente des machines à images... J'ai déjà parler de sa démarche dans différents posts, IcI et  et notamment de son dernier grand projet "Hatarakimono"*.

Tous deux sont des artistes-photographes qui utilisent le bricolage et les objets (ou vêtements) vintage.


"Je parviens à continuer mes bricolages mi-textiles, mi-photographiques, sur un mode de fabrication ludique." Nadia Prete.


Dans "Portrait de ma garde-robe", Nadia Prete a photographié sur un cintre ses vêtements gardés de 1966 à 2012. A partir des tenues vestimentaires, la mémoire intime de l'artiste et celle de la société, pour chaque époque, resurgit. Chaque tenue est détaillée dans son savoir-faire, la date de création estimée, car Nadia Petre a souvent eu une démarche d'achats vintage. C'est un livre riche de connaissance de styles, de procédés, où les tenues photographiées, il y a parfois plus de  trente ans, sont d'une grande modernité, car la mode s'inspire du passé et le reconditionne.

Knarf est un artiste français installé à Tokyo, lieu où il trouve l'inspiration. Il aime transformer l'ordinaire en extra-ordinaire par une technique de bricolage.
Pour "Hatarakimono project", Knarf a réalisé plus de deux cents portraits des hatarakimonos à Tokyo, dont une vingtaine à une échelle proche de 1.1 en transportant son studio-bricolage ambulant dans la rue, les jardins, les gares et autres endroits insolites. 
Hatarakimono est un mot qui décrit avec une connotation très positive les travailleurs "acharnés". Il n'existe pas en français ou anglais de terme similaire.
Le livre montre l'archive visuelle de ce projet.
Hatarakimono-project c'est aussi une exposition à venir qui va se déplacer de Tokyo à Hong-Kong, Paris, New-York, Los Angeles.
"Hatarakimono project" est un super hommage aux "bosseurs acharnés" de Tokyo et de tout le Japon, avec une grande puissance visuelle, grâce à la technique photographique. C'est aussi une grande fresque des métiers qui n'existeront plus dans un proche avenir. Dans un paysage mondial chaotique en plein bouleversement par la révolution technologique, le numérique, l'accélération du vieillissement de la population au Japon, le travail subit de grandes mutations. Ces hatarakimono devront laisser leur place, ou au mieux co-habiter avec des robots humanoïdes. L'expérience est déjà réelle dans certaines entreprises japonaises et ce scénario n'est pas si futuriste que ça...

Ces deux artistes ont en commun ce travail sur la mémoire, avec comme vecteur le vêtement pour Nadia Prete, l'uniforme par corps de métiers pour KnarfAu Japon, beaucoup de corporations de métiers ont des costumes spécifiques. Dès l'école primaire il y a le port d'un uniforme et d'un sac à dos particulier. 
Le vêtement comme distinction. Par plaisir de s'habiller pour Nadia Petre, par sa fonction lié au métier pour Knarf. Ce qui rend la fresque de portraits très visuelle.
Les artistes utilisent un protocole rigoureux et minimaliste pour l'ensemble du shooting. Le fond est identique à chaque prise de vue. Nadia Prete utilise une paire de chaussures identique pour souligner l'allure de la tenue. Knarf fait monter chaque "hatarakimono" sur un marche-pied pliable.
Knarf utilise comme fond un cadre réalisé avec du tissu bleu marine à fines rayures, qui est employé pour la confection des costumes des cadres supérieurs, par contraste identitaire et visuel. 
Nadia Prete suspend simplement le vêtement sur un cintre en bois.
Chaque photographie est numérotée, datée pour Nadia Petre et donc archivée.

Vous pouvez trouver le livre de Nadia Prete "Portrait de ma garde-robe" à la librairie du MAD mais aussi IcI.
Et le très beau et singulier livre d'art "Hatarakimono project" de Knarf aux éditions Dilecta et chez Ofr Paris 3ème.

Nadia Prete  "Portrait de ma garde-robe"
 

 
Knarf et sa super assistante Shoko 
Photographie: Gui Martinez pour la campagne 2018 de Native Sons



Et si vous vous intéressez au rapport aux vêtements dans toute sa diversité, avec réflexion et bonne humeur, allez écouter (si ce n'est pas encore fait), Chiffon lepodcast . J'avais d'ailleurs fait un post IcI intitulé "Les podcasts, ma révolution auditive". Chaque vendredi, Valérie Tribes, la créatrice, prône la liberté de parole. Là aussi on découvre une belle galerie de portraits, avec des anonymes et des personnalités connues car tout le monde s'habille!

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